tell me the story about your first love

Ma vie, ça a toujours été trop vite, trop rapide, trop de trop. Un feu d'artifice, mon monde tourne vite, plus vite que la terre. Je suis née en Angleterre, en tout cas c'est ce qui est écrit sur ma carte d'identité. Ma mère m'a abandonné sur les marches d'une église. J'étais apparemment pas souhaitée, pas désirée, bien que ça aurait pu être pire et j'aurais pu ne pas naître. Elle m'a porté neuf mois puis elle est partie. Je me suis jamais demandé comment était mon papa et ma maman, ni s'ils s'étaient aimés ou un truc du genre, tout ce qui les concerne, je me pose pas de questions, je veux pas savoir. Bien que quelque part, se savoir abandonné aussi vulgairement qu'un paquet, se dire qu'on a pas voulu de soi, c'est bizarre, parfois douloureux. Puis j'ai été balancé de foyer en foyer. J'ai tout connu. Des gens peu scrupuleux qui accueillaient les enfants que pour la subventions que l'Etat leur versait, des alcooliques, des hommes violents, des femmes qui ne sourient jamais, froide comme la mort, des pédophiles qui cachent bien leurs jeux mais j'ai connu aussi des jeunes comme moi, dont la vie ne voulait pas, dont personne voulait. Tiersan fut mon premier ami, il était comme un frère, Tiersan le grand, Tiersan le beau. Il était devenu ma famille et mon monde, ensemble on formait la ligue des mal aimé, la ligue des laissés pour compte. A mes seize ans, ce fut la délivrance. Il faut savoir que moi, je n'ai jamais été le genre de fille à fermer la bouche, à être docile. Alors quand le "papa" de la famille d'accueil s'est mit à vouloir me toucher, j'ai hurlé, hurlé jusqu'à que les voisins allument leurs lumières, jusqu'à que les gens de la maison se réveillent, jusqu'à qu'on vienne me sauver, je me suis débattue. Parce qu'avec ce genre de personne, ils te font croire que ce qu'ils font est normal mais que ça doit rester secret. J'étais pas stupide à l'époque, je savais bien que c'était pas normal qu'un monsieur entre dans la nuit dans une chambre de fille en catimini encore moins de vouloir se glisser dans ces couvertures. Je ne sais pas c'est quoi une maman et un papa mais techniquement un papa ça fait pas ça. Non. Non. Il est venu me sauver, Tiersan, oui il est venu réveillé par mes cris, il m'a arraché des bras du pseudo papa et lui a même foutu une raclée. Et moi, j'ai été sauvé, j'ai passé la nuit nichée dans les bras de mon sauveur, les yeux grand ouverts, sous le choc et puis Tiersan, le héros, il me cajolait et me promettait que tout irait bien, c'est ce qui fut le cas. Le lendemain, y'a quelqu'un qui est venu me chercher. Monsieur et Madame Roseburry. Un couple qui parlait avec un accent rigolo, ils étaient français à la base. Et puis moi, ils m'ont pris avec eux, seulement moi. Pas Tiersan, non, juste moi.

J'ai coulé des jours heureux avec ces parents français. Appelant enfin des personnes papa et maman. J'étais heureuse même si Tiersan me manquait énormément, on se voyait jamais assez et les nuits qu'on passait ensemble en secret alors qu'il avait fugué de sa famille d'accueil étaient toujours trop courtes à mon goût. Mon père était un grand défenseur pour la cause des animaux et de l'environnement, un baba cool, un hippie et j'ai beaucoup pris de lui. Ma mère était plus douce, plus calme, enfermée dans un monde, le sien, avec ces livres et ses vieilles musiques. Je les aimais jusqu'au ciel. Pour une fois, dans ma vie, je me sentais importante, je sentais que je comptais, j'existais, il y avait des personnes, autre que Tiersan, qui avaient peur de me perdre, . Mon papa, c'était un grand homme dans le monde des affaires, eh oui. Il était de ces hommes influents et qui prônent l'écologie & tout plein de trucs pour un monde meilleur. Ma mère et lui partait souvent en voyage d'affaire, ma mère, c'était son assistance. Moi je restais dans notre cottage à cause de mes études alors que j'aurais aimé les suivre tout partout, j'étais seule, j'ai jamais vraiment aimé la solitude et Tiersan, le sauveur pouvait pas tout le temps être là. Alors, lui, il est arrivé...

Il s'appelait Salvador. Espagnol, le sang chaud, c'était le vent de nouveauté sur ma vie. Tiersan m'avait dit de m'en méfier mais moi j'ai pas écouté. Je me suis lancé corps et âme dans cette histoire. Tout tournait vite avec Salvador, c'était pas parfait, c'était bancale et fou mais j'étais heureuse. Moi, j'étais folle. Ouais. Folle de lui, folle d'amour. Je lui appartenais totalement. Cependant il faut croire qu'une sorte d'épée de Damoclès règne au-dessus de ma tête, qu'on me refuse le bonheur. Je l'ai trouvé, dans ses bras, lèvres contre lèvres. Il m'était devenu évident qu'elle était l'intrus dans cette histoire mais en faite non, c'était moi l'intrus car elle, c'était sa fiancé. En deux ans de relation, j'avais tout bonnement rien capté. Le rideau s'était levé. Sa fiancé a craché le morceau. La cible était mon père et moi je n'étais qu'un moyen d'y arriver, le petit gibier avant d'arriver au morceau de choix. Rien de plus, rien de moins. Autant vous dire que mon égo en a pris mon coup et mon coeur ainsi que mon âme s'est fissuré. J'ai pas demandé mon reste et je suis partie. Partie tout court. J'ai quitté l'Angleterre pour San Francisco. J'y ai rencontré Daemon, mon colocataire. J'ai remonté la pente tout doucement. Rien n'était assez beau pour oublier le spectre de Salvador, pour oublier mon coeur brisé. Tout oublier. Fête sur fête, gueule de bois sur gueule de bois, j'ai même laissé tomber mes études. Daemon était devenu un pilier dans ma vie à San Francisco même si d'un autre, il était devenu mon cauchemar ambulant. On s'en met toujours plein la tranche mais au fond on s'adore. Seulement, il me rappelle parfois Salvador. Un Salvador plus impulsif et renfermé, surtout célibataire. Alors je sais pas pourquoi alors que mon coeur était encore brisé, je me suis surprise à éprouver des sentiments pour mon colocataire. Forts ou pas, je ne sais pas trop, je sais juste qu'ils sont là. Alors ce soir là. Je sais pas ce qui m'a pris, je l'ai embrassé sous un coup de tête, peut-être poussée pour un sentiment accru de solitude. Seulement, c'est un mur que je me suis pris. Rejetée encore la petite Charlyne, il faut croire que personne ne veut de moi dans ce monde, à commencer par ma mère biologique. Inutile de vous dire que je l'ai très mal pris et que j'ai juré que l'amour c'était fini. Pourtant, c'est pas facile de vivre avec quelqu'un qui vous a brisé le coeur -même s'il était déjà brisé à la base- et que vous aimez en même temps. Quand je le vois, j'ai envie de lui vomir dessus et en même temps de me nicher dans ses bras. Dingue hein. Comme maigre consolation, je me suis découverte riche comme crésus. Maigre, très maigre consolation. Car si je suis si couverte d'argent, c'est tout simplement parce que j'ai hérité du compte en banque de mes parents. Parents aujourd'hui décédés. Voilà où j'en suis aujourd'hui. Écorchée vive, brisée, fêlée et seule. Moi ? J'ai juste tout perdu et personne ne veut de moi. je vis plus. Je survis. Comme je peux. Après tout, on a qu'une vie alors j'essaie de faire de ma vie un conte de fée. J'essaie. Très fort. Car mes parents m'ont appris à être forte quoiqu'il en coûte, à donner un sens à la vie, que si quelque chose arrive c'est pour une bonne raison. Je suis la seule Roseburry qui reste. Alors je dois me battre et mon premier combat est celui de sourire, tout le temps, même quand mon coeur ne le veut pas. Oui. On s'habille de sa carapace de protection et on se heurte à la vie. Profitons, la vie, on nous la reprend toujours un jour ou l'autre. Profitons. Vivons.